Les réglettes de Cuisenaire forment un ensemble de dix « bâtonnets » utilisées pour l'apprentissage du calcul mathématique, idéalement en primaire. En particulier pour développer la connaissance des nombres et des quatre opérations de base, les fractions, les puissances, les racines... Et bien plus encore. Mais qui sont-elles ?
Les premières réglettes sont inventées pour le calcul mathématique à l'école primaire par Georges Cuisenaire.
Sommaire :
Les réglettes de Cuisenaire : première rencontre
Pourquoi sont-elles si efficaces ? Leur structure même le permet. Voyons cela.
Les réglettes de Cuisenaire ont une largeur : toutes les sections sont identiques, 1 cm x 1 cm. Ce qui permet « d’oublier » ce paramètre, d’en faire abstraction. Du moins au début car identique et donc comparable pour toutes les réglettes. Pour s’en préoccuper ensuite, lorsque l’étude des nombres se fait en parallèle de la mesure des grandeurs, et notamment des aires, carrés, cubes.
Les réglettes de Cuisenaire ont une longueur : voici l’attribut le plus important. En fait, tout le travail avec les réglettes passe, pendant une longue période, par la manipulation de ces longueurs. Des chercheurs en didactique des mathématique appellent cela l'arithmétisation des longueurs. Contrairement à ce que la plupart des utilisateurs pensent, elles ne sont pas reliées à des valeurs numériques et ne doivent pas l’être de façon artificielle dès le départ.
Elles vont au contraire, permettre de raisonner sans valeur numérique. Elles symbolisent une quantité, par leur longueur. Cette quantité devient concrètement manipulable car on peut la prendre dans la main.
La manipulation est primordiale pour tous, et particulièrement pour les enfants dont le cerveau fonctionne encore de façon étroitement liée aux mains.
Les réglettes de Cuisenaire ont une couleur
Georges Cuisenaire a souhaité ajouter une dimension visuelle pour distinguer et associer les réglettes un clin d’œil. En effet, après tâtonnement, il s’est fixé sur des familles de couleurs : rouge-rose-marron, bleu-vert, jaune-orange, noir et blanc.
Ces familles ont un sens. Ces couleurs permettent de voir en un clin d’œil les relations particulières qu’entretiennent certains nombres entre eux. Comme multiples/diviseurs, pair/impair, premier...
Ainsi, la rose a une longueur double de la rouge et moitié de la marron. La rouge est donc le quart de la marron. D’autre part, la famille bleu-vert, n’est pas reliée à la première famille par des nombres entiers. Mais la vert clair est la moitié de la vert foncé, et le tiers de la bleue. Enfin, la jaune et la orange sont reliées par un rapport 2, sans que la jaune ne soit reliée par un rapport simple et entier aux deux autres familles.
Finalement, les deux réglettes un peu particulières : l’une qui s’intègre dans toutes les familles, et a une relation entière avec toutes les autres est la blanche (puisque le blanc est la superposition de toutes les couleurs…). Et puis bien sûr, la dernière réglette non citée, qui se distingue des autres familles, ne s’intègre pas facilement et préfère être la première de sa propre famille : c'est la noire.
Voilà, par conséquent, comment, au premier regard, on a visuellement une relation très claire entre les premiers nombres.
Deux noms pour les réglettes
Les réglettes de Cuisenaire ont deux « noms ». Au début des manipulations, les réglettes n’ont pas de valeur numérique. Elles sont nommées par leurs couleurs et à l’écrit, lorsque c’est nécessaire, désignées par l’initiale de leur couleur.
D’ailleurs, ça ne pose pas autant de problème, pour des enfants de début de primaire, de travailler avec des lettres que ça n’en pose actuellement pour les collégiens et collégiennes.
Par ailleurs, ce travail sans valeur numérique est vraiment fondateur et ne doit pas être évacué. Pourquoi cette étape ? Pour tirer pleinement parti de leur potentiel : voir et comprendre, manipuler et s’approprier les rapports entre les nombres, qui part des propriétés pour aboutir aux calculs.
Ainsi, ce travail permet d’introduire l’abstraction nécessaire à l’étude ultérieure des mathématiques. Car travailler sur les rapports, sans valeur numérique, donne accès à ce qui est général, à ce qui ne dépend pas d’un système numérique particulier.
Et puis, à un moment donné, une valeur numérique est utilisée pour chaque réglette.
Un nombre dans un système
Cette valeur numérique est donnée pour chaque réglette en référence aux autres. Par conséquent, selon la réglette de référence, le système numérique est différent. Comme les rapports sont toujours vrais, quelque soit le système numérique choisi, les relations rencontrées et le travail effectué peut être revu, cette fois avec des nombres.
Ce qui permet de fixer les relations entre les nombres et non les nombres eux-mêmes. Car, par exemple, un demi correspond toujours à la moitié du double, quelque soit le système dans le lequel on travaille.
Différents systèmes
On aborde ainsi les systèmes d’écriture de position : chaque chiffre d'un nombre traduit à l’écrit le nombre de fois que la base est utilisée. Et le rapport entre les réglettes reste toujours le même.
Ce qui amène au fait que le rapport entre les nombres est toujours le même. Et en plus que c'est vrai aussi pour les opérations ! Ainsi, l’opération qui permet d’obtenir 30 à partir de 10, en base 3 est donc la même que celle qui permet d’obtenir 9 à partir de 3 en base 10.
Les propriétés et les opérations acquièrent donc un statut indépendant de la base dans laquelle on raisonne. Ce qui ouvre la voie à une généralisation, but constant des réflexions mathématiques.
Bien sûr, assez rapidement, il est nécessaire d’aborder plus précisément le système décimal. Alors, la plus petite, la blanche, est désignée comme l'unité. Par rapport à celle-ci, les autres vont prendre leurs valeurs. Mais tout ce qui a été découvert auparavant est toujours valable. Il y a moins d’effort de mathématisation à faire.
Particularité : créer une image mentale
Ces attributs font du matériel Cuisenaire un ensemble tout à fait particulier, qui n’a absolument rien à voir avec du matériel de comptage. Lorsque l’on compte avec des jetons, des billes ou des perles, tous les éléments sont identiques. Pour reconnaître un double, il faut compter les perles dans un ensemble et compter les perles dans l’autre ensemble.
Alors que les réglettes fonctionnent sur un autre principe. Les différences particulières qui existent entre elles permettent au contraire de symboliser les opérations et les propriétés des nombres. De s'en faire des images mentales directement, sans passer par une autre opération ou calcul mathématique. Par exemple, la réglette rose est deux fois plus longue que la rouge. En comparant les longueurs d'une rose et deux rouges, on voit le double visuellement. On voit la moitié en même temps. Il n'y a pas d'autre étapes pour reconnaître le double et la moitié, il suffit de regarder, pas de compter et/ou additionner.
L'image mentale résultante est immédiate et durable. Immédiate car il n'y a pas d'autres connaissances à appeler pour voir la relation qu'une notion de comparaison des longueurs. Et durable, car cette image est le résultat d'une information venue des yeux et du toucher.
Et en suivant un cheminement précis, l'enfant ayant d'abord manipulé les réglettes sans les valeurs numériques, puis avec, arrive finalement à se détacher du matériel concret pour penser les relations mathématiques de façon abstraite. C'est pourquoi leur utilisation suit une progression réfléchie.
Cet outil pédagogique a eu un immense succès. Dès leur mise en place, Georges Cuisenaire a été sollicité par de très nombreux collègues et regroupements de professeurs de mathématiques. Elles ont été utilisées par des centaines d'enseignants à travers le monde, étudiées à l'université. Car des milliers d'enfants de primaire comprennent aisément et retiennent sans difficultés et longtemps les bases en mathématiques. Ils assimilent des notions qui ne sont, en France, présentées qu'au collège.
Qu'est-ce qui rend les réglettes si efficace ?
Je détaille leurs atouts dans la suite de cet article : c'est par ici !
Votre passage par les couleurs avant de passer par le nombre me semble intéressant. De fait, certains de mes élèves (CE1 et CE2) n’ont manifestement pas compris le « +1″dont parlait Rémi Brissiaux et les relations entre les nombres. Je vois mieux comment les intégrer dans mon enseignement.
Bonjour,
Effectivement, les réglettes aident grandement les élèves à percevoir les relations entre les nombres, à deux conditions pourtant, que je développe longuement dans l’aide proposées sur ce site : l’oralité, et le raisonnement avant le calcul. L’oralité dans les deux sens, la vôtre envers les élèves pour leur faire entendre les mots précis qui décrivent les relations observées, et la leur pour exprimer à haute voix ce qu’ils voient et manipulent. Et le raisonnement avant le calcul, qui permet d’observer, par exemple, que la longueur totale rouge et vert clair est la même que rose et blanc, sans nécessairement ni systématiquement chercher à calculer le résultat. Pour faire apparaître qu’une opération est avant tout une intention. Et que sans cette intention préalable (connaître les différentes compositions d’une longueur totale, par exemple) les calculs deviennent automathiques comme dit Stella Baruk, mécaniques et surtout très vite complètement dénués de sens. C’est d’ailleurs peut-être ce qui manquent à vos élèves : si l’addition +1 n’a pas de sens pour eux, aucune chance qu’ils l’utilisent à bon escient.
Amicalement,
Mireille